Les volontaires se succèdent. Le week-end approche et de plus jeunes personnes prennent sur leur temps pour venir. Certains restent deux jours, d’autres trois ou quatre, d’autres encore n’aideront qu’une seule journée puis reviendrons dans quelques semaines, mais tous souhaitent apporter leur contribution.
Pour notre quatrième jour de travail, nous nous rendons sur une autre île au large de Shiogama : Katsurajima. Le soleil et la chaleur sont également au rendez-vous. L’île est plus grande, plus habitée et également un peu plus escarpée. Notre groupe se scinde en deux et chacun va aider chez un particulier.
Arrivé sur les hauteurs de l’île, devant nous une partie de la ville s’étend. Ce n’est qu’un amas de bois, de structures enchevêtrées les unes sur les autres, de carcasses de voitures,… sur environ 500 m2.
Les petites routes sont invisibles, quelques maisons tiennent encore sur leur premier étage, le rez-de-chaussée ayant cédé. Des rideaux flottent au vent des fenêtres brisées.
Rien ne semble avoir bougé depuis le 11 mars, tout est figé. La vie s’est instantanément arrêtée.
Mais où est la mer ? Nous sommes sur les hauteurs d’une île devant un paysage dévasté et peinons à apercevoir l’océan qui semble se trouver derrière des arbres à 500m de là.
Une fois le choc passé, chacun part dans la maison qui lui est attribuée. Notre groupe se retrouve chez une vieille dame dont l’habitation semble intacte. La maison est grande et beaucoup de choses sont à ordonner. La personne est un peu perdue et attend de nous que nous l’aidions à agencer ses affaires.
Je ronge un peu mon frein car au fil du temps je m’aperçois que nous sommes là pour l’aider à ranger son intérieur, que le désordre n’est pas dû au tremblement de terre et qu’elle souhaite conserver de nombreuses choses. De plus, elle vit avec son fils qui n’a pas l’air disposé à l’aider dans cette tâche.
La journée passe. Nous arrivons tout de même à nettoyer (aspirateur, fenêtres,…), à réorganiser quelques pièces qui servent plutôt de débarras, bref à rendre plus accessible de nombreux objets en triple, quadruple exemplaires. Quelques éléments sont tout de même à jeter et nous reprenons le chemin vers le port, chargé de sacs qui seront entreposés avec d’autres, dans une déchèterie improvisée. Il nous faudra tout de même faire attention sur notre route, le bitume a de nombreux plis et crevasses engendrés par le tremblement de terre.
La fatigue est là, et la déception aussi. Nous avons fait beaucoup de kilomètres pour venir ranger une cave, un travail de « boy-scout ».
Lors de la réunion du soir ma femme fait part de ce sentiment partagé mais personne ne réagit.
Toujours aucun volontaire ne donne ses convictions, décrit ce qu’il a ressenti, vécu et ce que notre travail lui apporte dans sa vision de la vie. La pudeur est-elle présente ? Le moment est-il trop tôt pour analyser ses impressions ? Sans doute, mais je reste assez dubitatif.
fatigue et déception :
que nous apporte
notre travail ?
Durant le travail chacun a-t-il un peu plus conscience qu’en une fraction de seconde tout a été détruit, que la vie s’est arrêtée pour des milliers de personnes, qu’elle a été transformée à tout jamais pour des centaines de milliers d’autres ?
Les volontaires se rendent-il compte que nous consommons à outrance et entassons chez nous des monceaux d’objets inutiles auquel nous nous raccrochons, auquel nous attribuons une valeur sentimentale voire sociale ?
Le travail que nous faisons va-t-il apporter à ceux qui y participent une vie plus modeste, une prise de conscience que nos soucis quotidiens sont bien peu de choses, que le respect des autres, de la vie et la nature sont indispensables ?
De plus, nous avons la chance d’être choyé dans cette association. Les repas sont excellents, variés et préparés pour nous. Tout est propre et nous avons le temps de nous reposer. De nombreux dons de gâteaux, confiseries sont fait à la communauté, bref c’est un vrai confort.
Toutefois, pour les tâches de vaisselle, rangement et de nettoyage, les bénévoles qui mettent la main à la pâte sont toujours les mêmes et principalement les femmes. Là encore, c’est un point qui m’irrite un peu car tout le monde semble trouver normal cette organisation.
L’épisode de la journée ouvre cette grande discussion avec mon épouse et ce ne sera que le surlendemain que notre point de vue sera porté à la réunion du soir. Une jeune Sœur du Pérou qui partageait notre avis ouvre les débats.
Bien-sûr nous sommes présents pour aider les sinistrés, évidemment la fatigue physique se fait sentir en fin de journée, mais n’en n’est-il pas de même après une journée de travail ? N’a-t-on pas à préparer nous même notre repas où à aller s’acheter quelque chose ? Les discussions sont animées, mais porteront leurs fruits car le jour suivant, les bras (masculins) ne seront plus volontaires uniquement en dehors du centre.
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