Regard sur le cataclysme, le travail de volontaire et la reconstruction du pays

Mais c’est le lendemain, jour de notre départ, que le choc sera le plus grand. Un organisateur nous propose de l’accompagner à un autre bureau de Caritas Japan, dans la ville d’Ishinomaki, afin d’y apporter des denrées. Il souhaite nous montrer la ville telle qu’elle est aujourd’hui.

A une trentaine de kilomètres de Shiogama, la ville d’Ishinomaki offre un spectacle désolant. La ville est au niveau de la mer. Ici se trouve l’un des plus grands marché de poissons au monde. Le tsunami a fait 4.000 victimes soit presque 3% de la population.

Ishinomaki
ville meurtrie

Le tremblement de terre de Sendai a duré environ 5 minutes. Les secousses terminées les vagues (plus de 20 mètres pour l’une d’entre-elles) ont atteint les côtes seulement 20 à 60 minutes plus tard. Où trouver un refuge si rapidement ?
Le monde entier a pu suivre le tsunami en direct, mais ceux qui l’ont vécu n’ont pu voir et savoir l’ampleur des dégâts que le lendemain, lorsque les réseaux de téléphonies et d’électricité ont été moins saturés.

A l’entrée d’Ishinomaki, un petit stade a été transformé en cimetière. Nous nous y arrêtons pour nous recueillir devant des centaines de tombes improvisées marquées d’un numéro. Tous les corps n’ont pas encore été identifiés, mais chaque emplacement est fleuri. Des familles viennent ici, choisissent un numéro en se disant que c’est peut-être la dépouille d’un des leurs qui est là. Moment difficile pour nous, car c’est la première fois que nous sommes confrontés à ceux qui ont péris.

Ishinomaki, quartier résidentiel en cours de nettoyage – 3 juin 2011

La route reprend. Nous parcourons de nombreux kilomètres dans une ville fantôme. L’odeur est puissante, la terre craquelée, de grandes flaques d’eau de couleur noire barrent des routes.
Çà et là, des volontaires se démènent à vider ou nettoyer des maisons, des engins en détruisent d’autres, des camions remplis de gravats parcourent les décombres.
Devant des restes d’habitations, des véhicules venus de tous le Japon stationnent. Leurs occupants fouillent les décombres à la recherche de souvenirs.

Nous traversons des quartiers résidentiels où peu de demeures sont encore debout. Nous apercevons du linge sécher aux fenêtres de premiers étages encore habités. Des maisons isolées où la vie est là, alors qu’autour tout est détruit. La mobylette du facteur se fraye un chemin dans ce paysage surréaliste où la mer est passée alors qu’elle est à plusieurs kilomètres.

Là encore le port est touché et les usines qui le jouxtent complètement détruites. Des gros réservoirs ont été emportés, renversés tout comme d’immenses bateaux. Au détour d’une route, nous apercevons des employés qui travaillent des produits de la pêche, dans la chaleur, à côté de leur usine dévastée.

Les miliaires sont fortement présents dans la ville. Leurs engins réduisent en poussière ce qu’il reste, des dizaines de camions attendent pour déverser leurs gravats dans une immense déchèterie improvisée.
Les kilomètres se poursuivent. Nous faisons quelques arrêts. L’un d’eux nous conduit à une école. Devant elle un camion de pompier broyé, quelques maisons détruites. Par terre des peluches, des photos. Des visages inconnus, souriants, maculés de boue. Que sont-ils devenus ?

Un peu plus loin, le cimetière de la ville, enfin ce qu’il en reste. Les tombes de marbre et de granit sont pêle-mêles. Dans la chaleur, au milieu des décombres un vieil homme s’affaire. Nous nous approchons. Muni de simples morceaux de bois, il fait levier afin de bouger de lourdes pierres. Il reconstitue méticuleusement la tombe de sa famille. Il refuse notre aide et en a certainement encore pour de nombreuses heures.

Nous traversons ensuite le centre ville et ses rues commerçantes. Certains magasins ré-ouvrent, d’autres sont inutilisables. La ville est remplie de poussières et de sable.

Ishinomaki, vue de la colline vers la mer – 20 mai 2011

Une seule colline dans la commune. Tout en haut, un temple et un petit jardin. De là, la vision est terrible : à perte de vue, la ville est détruite, sous les décombres.

Une autre image vient alors à moi et comment ne pas y penser. Hiroshima. Les photos que j’ai vues au musée de la paix de la ville, m’apparaissent. Là aussi, en une fraction de seconde, la ville a été réduite en poussière, des milliers de vie ont été emportées et ce par la seule volonté de l’homme alors qu’en ce 11 mars, c’est la nature qui a rappelé sa présence.
Hiroshima est aujourd’hui reconstruite, la vie y est bien présente, joyeuse, alors, il en sera de même pour ces villes. Mais que reconstruire et comment le faire alors qu’une telle catastrophe pourrait encore se produire ?

Ce n’est d’ailleurs pas la première qu’un gigantesque tsunami frappe ces côtes. En 1896, une vague de 30 mètres s’était abattue aux mêmes endroits. En mars 1933 d’autres vagues déferlaient suite à un tremblement de terre.

Nous retournons à Shiogama, récupérer nos sacs à dos. Un train nous conduira à Sendai puis un bus nous ramènera tard dans la nuit à Tokyo.


2 Responses to Regard sur le cataclysme, le travail de volontaire et la reconstruction du pays

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